PORTRAIT de Thierry Vrain, Biologiste des sols, Ingénieur en génétique et Chanchal Cabrera, Médecin en botanique et tous deux fondateurs de la ferme Innisfree
À mon arrivée à la ferme Innisfree, j’ai immédiatement fait le tour de cette oasis naturelle pour voir et mieux comprendre la multitude de services qui y sont proposés. Et le moins que l’on puisse dire est que ce n’est pas une ferme comme les autres ! C’est à la fois un jardin botanique, un centre d’éducation et d’apprentissage de médecine botanique et de nutrition, une pépinière d’épineux, un lieu spirituel où se retrouve une fois par mois un groupe des premières nations, et un lieu pour recevoir, cuisiner, partager et manger ensemble. Pour définir au mieux cette ferme atypique, je dirais que c’est à la fois un lieu de vie et d’échange où Chanchal et Thierry ont à cœur de nourrir le corps et l’esprit des visiteurs. Thierry est francophone et a répondu à la majorité des questions. Bien que Chanchal soit anglophone, j’ai trouvé intéressant de lui poser 3 questions, auxquelles elle a répondu en anglais et j’ai traduit ses réponses.
Quelles raisons t’ont poussées à fonder cette ferme pas comme les autres ?
Avec Chanchal, nous avons un sens très développé de la communauté et nous voulions être utiles. Ma femme enseigne la médecine botanique et la nutrition au public et à ses étudiants. Un de nos buts est de faciliter le lien entre les personnes et la nature, mais aussi de sensibiliser les visiteurs sur l’importance de la nutrition pour être en bonne santé. Tous les deux ans, nous organisons un rassemblement sur le thème des plantes médicinales. Notre jardin botanique est composé d’une vaste collection de plantes médicinales, d’herbes culinaires, de légumes et de baies. Nous nous servons de plantes dans notre dispensaire et aussi pour y préparer des tisanes ainsi que d’autres produits.À partir du mois de mai, nous proposerons des séances de shinrin-yoku aussi appelé « bain de forêt ». Cette pratique thérapeutique consiste à « s’immerger » (faire une promenade) dans la forêt afin de profiter de l’effet relaxant de certaines molécules, appelées phytoncides, qui sont diffusées par la végétation. Connu depuis les années 1980 par une grande majorité de Japonais, le shinrin-yoku est encore méconnu en Amérique du Nord, mais il compte de plus en plus d’adeptes en quête de bien-être et de nouvelles méthodes pour se relaxer et se débarrasser du stress quotidien.
Est-ce que la communauté se montre réceptive au service de médecine holistique et alternative ?
La médecine moderne est efficace pour remédier aux accidents : si j’ai un accident, je serai bien content que l’on me soigne à l’hôpital. Cependant la médecine moderne parait moins efficace face aux maladies chroniques. Chanchal s’est spécialisée depuis 15 ans dans la recherche de médecine alternative pour traiter le cancer et ses travaux sont reconnus partout dans le monde. Elle est souvent sollicitée pour donner des conférences en Europe, aux États-Unis et au Canada.
En quoi consiste ton travail à la ferme ?
Ma journée classique (au printemps et en été) commence par la culture du jardin avec les étudiants, puis je prépare le déjeuner pour une dizaine de personnes (étudiants et bénévoles). En après-midi, c’est le temps de la classe pour les étudiants. Au printemps 2018, nous avons le projet de construire un café où nous servirons des produits issus de la ferme. Il arrive aussi que nous soyons en déplacement pour intervenir et assister à différentes conférences. L’un de nos objectifs est d’informer et d’éduquer sur l’importance de la nourriture et de ne manger que des aliments sans antibiotiques ; je suis régulièrement invité à discuter de ces sujets.
Question à Chanchal : En tant que médecin en botanique, pour quelles raisons les gens viennent-ils te consulter ? Quelles sont les demandes les plus populaires ?
Je reçois des patients et leur prodigue des soins médicaux holistiques depuis plus de 30 ans. Ma pratique est assez générale et j’accueille toutes sortes de patients avec une multitude de conditions différentes. Au cours des 15 dernières années, la plupart de mes recherches cliniques ont été faites en oncologie holistique. Je traite des patients atteints de cancer, du stade du diagnostic précoce au stade final. Je peux les aider durant les différents stades de la maladie et de leur traitement, que ce soit au moment de la chimiothérapie et de la chirurgie, avec des herbes et un régime d’alimentation. J’ai des patients partout dans le monde, et j’enseigne à l’étranger ; je fais beaucoup de soutien ou de mentorat auprès d’autres praticiens qui ont des cas difficiles et qui ont besoin d’un deuxième avis.
As-tu fait des études ou suivi une formation particulière ? Quel a été ton cheminement professionnel avant la ferme ? Réponse de Thierry Vrain :
J’ai suivi des études de biologie en France puis j’ai déménagé au Canada, à Montréal, pour enseigner la physiologie végétale à des étudiants de mon âge. Ensuite, j’ai fait des études supérieures à Raleigh (Caroline du Nord) et j’ai travaillé 30 ans en recherche pour le ministère canadien de l’Agriculture. D’un biologiste des sols, expert en contrôle chimique des nématodes, je suis devenu ingénieur génétique, et j’ai terminé à la tête d’un département de biologie moléculaire. J’ai pris ma retraite il y a 15 ans, mais j’ai ressuscité le Dr Vrain il y a six ans, avec pour mission d’éduquer sur la contamination chimique des aliments et des aliments pour animaux provenant des cultures d’OGM et des céréales. J’ai donné de nombreuses conférences à travers le Canada et les États-Unis sur ce sujet. Je me retire lentement de cette campagne pour donner plus d’énergie et pour créer le Jardin botanique et la vision d’Innisfree.
Ma conjointe, Chanchal, a obtenu sa maîtrise en phytothérapie à l’Université du Pays de Galles en 2003 et elle est titulaire de la chaire de médecine botanique à l’Institut Boucher de naturopathie de New Westminster depuis 2004. Elle siège au conseil consultatif du Dominion Herbal College de Burnaby, sur le comité de rédaction du bulletin médical Medical Herbalism et elle publie dans des journaux professionnels et donne des conférences internationales sur l’herboristerie médicale, la nutrition et la santé. Chanchal est l’auteur du livre « Fibromyalgia: A Journey Toward Healing (trad. : Fibromyalgie— Un voyage vers la guérison) » publié par Contemporary Books.
Question à Chanchal : Quelles raisons vous ont amenée à devenir une herboriste médicale et à enseigner ?
J’ai grandi dans une petite ferme biologique dans les années 1970 et mes parents choisissaient les herbes comme remèdes ou médicaments partout où ils pouvaient. Il m’a toujours semblé très normal de prêter attention au régime alimentaire, au style de vie, au stress, à l’exercice physique et d’utiliser des herbes pour guérir la maladie. J’étais au début de ma vingtaine quand je suis allée à l’université où j’ai suivi 4 ans de formation en phytothérapie, puis je suis devenue herboriste.
Qu’est-ce qui t’a poussé à venir ici ? (Réponse de Thierry Vrain)
J’ai rencontré ma femme il y a 13 ans : à cette époque, elle venait juste de vendre son magasin Gaïa Garden à Vancouver — la plus grande Herboristerie dans l’Ouest du Canada — magasin de plantes médicinales. Son projet était d’acheter une maison et un terrain dans la vallée de Comox, pour faire pousser des plantes médicinales sur l’ile de Vancouver. C’était important pour elle : elle voulait pouvoir montrer à ses patients et à ses étudiants de quelles plantes elles se servaient pour les soigner. Ce projet m’a plu et comme j’étais nouvellement à la retraite, nous sommes venus nous installer ici.
Qu’aimes-tu le plus dans ton travail à la ferme ?
Ce que j’aime le plus, c’est la nature et être au calme. J’ai grandi dans une grande ville à Paris puis j’ai vécu dans de grosses agglomérations telles que Montréal et Vancouver.
Question à Chanchal : Qu’aimez-vous le plus chez Innisfree Farm ou dans votre travail ?
Comme beaucoup de gens, je suis très consciente de l’amélioration de mon bien-être quand je passe du temps en nature. Le fait de pouvoir le partager avec d’autres personnes et les guider vers une relation plus proche avec le monde naturel, c’est immensément gratifiant ! Je pratique la phytothérapie clinique dans un modèle biomédical occidental, mais je dirige aussi les balades en forêt shinrin-yoku, j’enseigne la récolte sauvage et la fabrication de plantes médicinales, et j’encourage les gens à être plus autonomes dans leurs propres besoins alimentaires et médicaux. Je crois que nous devons assumer la responsabilité de notre propre bien-être, au moins dans la mesure du possible, grâce à l’alimentation, aux herbes et à notre mode de vie.
Quel est ton plus grand défi ?
Nous sommes tous les 2 de grands rêveurs et souhaitons bâtir quelque chose d’important : notre plus grand défi est de trouver assez de financement pour réaliser tous nos projets.
As-tu une anecdote ou une blague à partager avec nous ?
Une fois, nous avons accueilli une étudiante qui était surprise à son arrivée à la ferme. Elle s’était imaginé un lieu bien particulier avec les photos qu’elle avait vues sur notre site Internet. Elle paraissait presque déçue de sa première impression, mais après avoir parlé avec nous et son séjour à la ferme, elle a changé d’avis et a demandé à revenir une seconde fois pour suivre le même curriculum. Ce qui rare : nous essayons de n’accueillir les étudiants qu’une seule fois pour laisser la chance à tout le monde de venir.
L’AFCI a pour mission de partager et de promouvoir la langue française et la culture francophone dans deux régions principales, Campbell River et la vallée de Comox. Il vise à offrir des activités et des services aux francophones et francophiles de tous âges : parents, enfants, jeunes et adultes.
Nous reconnaissons que nous nous trouvons et que nos activités se déroulent sur des territoires traditionnels autochtones non cédés, y compris les territoires des nations Kwakwaka’wakw, Liǧʷiłdax̌, We Wai Kum, We Wai Kai et K’ómoks.
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