Dans le contexte de pandémie, nous parlons beaucoup plus de la santé mentale, de l’importance de prendre soin de nos émotions, d’apprendre à les reconnaître, à les accepter et à décider d’y faire face ou pas. Que nous soyons capables d’y faire face seul ou avec l’aide d’un professionnel, parfois nous pouvons nous demander d’où viennent ces émotions. Tout comme le temps, l’interprétation des émotions n’est pas universelle mais bien culturelle. Quand on est vulnérable ou dans une situation où nous avons besoin d’aide, il est souvent plus facile de s’exprimer dans notre langue maternelle. Je vous invite donc à découvrir à travers ce portrait Marie Jakalicia Guignard, conseillère clinique enregistrée. Arrivée dans la vallée de Comox en 2019, Marie a connu plusieurs déménagements et a vécu dans différents endroits du pays. Bien que nous nous soyons rencontrées virtuellement, Marie a tout de suite su me mettre à l’aise grâce notamment à son écoute et son empathie.
Marie travaille aussi bien avec des préadolescents, adolescents et adultes. Elle offre actuellement la possibilité d’avoir des rencontres en présence (elle porte un masque en tout temps) et en virtuel. Pour plus de détails sur son cabinet de conseillère : http://www.innerselfcounselling.ca
Quelles raisons t’ont poussées à te diriger vers cette profession ?
Il y a beaucoup de raisons, mais voici les principales :
J’ai étudié et travaillé dans divers domaines, que ce soit au cours de mon expérience dans la commercialisation de mode à celle de courtière immobilière et en hypothèque, j’ai toujours eu une passion pour l’étude des comportements humains.
L’étude du comportement du consommateur était d’ailleurs mon cours préféré au Cégep. Étudier et comprendre la psychologie de l’achat, savoir déchiffrer les comportements ou comment les sons et les odeurs peuvent influencer les consommateurs me passionnait véritablement.
En plus de la psychologie, j’aime aussi la philosophie et pour moi, ces deux disciplines ou valeurs sont belles et bien liées au comportement humain.
Par la suite, l’envie d’aider et de soutenir les personnes a grandi en moi. Lorsque j’étais courtière, je passais deux heures et plus à discuter avec mes clients de leurs besoins tandis que les collègues leur consacraient tout au plus une heure. J’avais à cœur de les aider à trouver des solutions, j’avais parfois l’impression de faire du « counseling hypothécaire ». Je me souviens d’une soirée que j’ai passé beaucoup de temps au téléphone avec une cliente qui avait besoin de soutien, car son mari ne voulait pas aller chez le notaire pour l’achat d’une maison.
Enfin, mes expériences personnelles m’ont amené à passer à travers des expériences difficiles, à vivre et comprendre des blessures émotionnelles. Ces blessures sont tellement difficiles à comprendre et à soigner. Il est par exemple plus facile de soigner un bras cassé, car la blessure est visible par tous. Tandis que lorsqu’il s’agit des émotions, ce n’est pas forcément visible donc pas facile à identifier pour nous ou notre entourage.
Aujourd’hui, je me sens à ma place au bon moment. Pour moi, il n’y a pas de hasard dans la vie.
En quoi consiste ton travail auprès de tes clients ?
Mon travail c’est vraiment un travail d’équipe et de collaboration : aider mes clients à se retrouver, à retrouver leurs capacités et leurs forces internes. Je les accompagne pour faire face aux adversités de la vie : on a tous des capacités qui sont cachées à l’intérieur de nous.
J’aide aussi mes clients à comprendre que derrière chaque comportement il y a une raison ou un sens qu’il est parfois difficile d’identifier.
Quand on ne comprend pas, on a tendance à se culpabiliser, à manquer de confiance en soi, à se dire « je ne suis pas normal » et moi je c’est à ce moment-là que j’interviens en les aidant à comprendre.
On a parfois l’impression de tout avoir pour être heureux par exemple avec l’achat d’une maison. Mais si émotionnellement on n’est pas à une bonne place dans sa vie bien, on n’arrive pas à en jouir totalement.
As-tu fait des études ou suivi une formation ? Y a-t-il un ordre des conseillers en Colombie-Britannique ?
J’ai fait une maîtrise en counseling psychologique qui comprend la théorie et neuf mois de pratique ainsi que d’autres formations en thérapie cognitive comportementale.
Je suis en train de terminer une formation pour devenir une thérapeute en EMDR (Désensibilisation et retraitement par des mouvements oculaires). La thérapie EMDR est une approche psychothérapeutique qui a fait l’objet de nombreuses recherches et qui est hautement reconnue pour son efficacité dans le traitement des traumatismes, du trouble de stress post-traumatique ainsi que pour différents problèmes de santé mentale.
J’ai auparavant suivi une formation pour des thérapies en lien aux problèmes raciaux, aux traumatismes liés à la race, aux discriminations sous toutes ses formes. Puisque j’adore apprendre et étudier, c’est certain que je vais continuer.
Il existe effectivement un ordre des conseillers dans la province, le BC Association of Clinical Counsellors. Le métier de la psychologie du counseling n’étant pas encore règlementé dans la province, l’association agit pour assurer le respect des normes et standards de la profession. Pour pouvoir en faire partie et obtenir la désignation de « Registered clinical counsellor (RCC) », il faut avoir une maîtrise d’un établissement accrédité dans un domaine d’études prescrit par l’association, un nombre d’heures de stages minimum et un superviseur ayant lui-même au moins cinq ans d’expérience dans le métier. Nous nous engageons aussi à aider les clients dans leur choix et devons suivre un code d’éthique ainsi que des normes de pratique clinique.
Quel a été ton cheminement professionnel ?
J’ai travaillé dans des écoles auprès de jeunes qui ont des difficultés d’apprentissage. Puis dans des organismes communautaires avant de commencer à étudier en counseling. Je suis donc à l’aise pour travailler aussi bien avec des préadolescents, adolescents et adultes.
En tant que femme de militaire et ayant vécu dans différentes provinces, je suis à l’aise d’aborder toutes les questions liées aux changements de la vie ainsi que les différents autres défis qui composent la réalité des familles militaires.
Qu’aimes-tu le plus dans ton travail ?
Assister et voir au changement de comportement de mes clients ! Les voir sourire, s’ouvrir, s’épanouir et bien sûr atteindre les objectifs qu’ils s’étaient fixés. J’aime voir que l’effort porte ses fruits dans la vie de mes clients.
Quel est ton plus grand défi ?
Aider à diminuer le tabou envers la santé mentale. Si je réussis à diminuer la perception que les gens ont par rapport à la santé mentale auprès de 1000 personnes, j’aurais réussi quelque chose.
Changer la manière dont les personnes perçoivent le tabou de la Santé mentale. C’est certain, que nous n’avons pas besoin d’aller crier sur tous les toits nos défis ou ce que nous ressentons à l’intérieur de soi. Mais j’apprends à mes clients à ne pas se sentir coupables de faire ce travail sur leur santé mentale et de bien faire la différence entre tabou et confidentialité. C’est une victoire pour moi lorsque mes clients réussissent à normaliser le fait de voir un conseiller, qu’ils se sentent aussi à l’aise de dire qu’ils vont chez le dentiste ou chez un conseiller. C’est à la fois un défi que je me mets personnellement et que je rencontre en pratique.
As-tu une anecdote à partager avec nous ?
Oui, beaucoup de clients sont stupéfaits de rire lors des sessions. Ils me disent qu’ils ne s’attendaient pas à rire avec moi. Puisqu’on aborde toutes les émotions, il y a aussi des parties fun.
Quelle est la réaction des gens quand tu leur dis que tu peux les servir en français ?
Je perçois un véritable soulagement de leur part de pouvoir s’exprimer en français. Quand on est vulnérable et qu’on parle de nos émotions, c’est toujours plus facile de trouver les mots dans sa langue maternelle.
Si tu étais un mot français, lequel serais-tu et pourquoi ?
Dignité, car c’est la base fondamentale de ma vie en général. Le respect de l’existence humaine et animale. Le respect de tout ce qui existe, que ce soit de l’insecte qui nous dérange, ou du pissenlit qui pousse sur notre pelouse. Tout ce qui existe, existe pour quelque chose. Une maison ou un objet mérite notre respect puisqu’il a forcément un sens dans la vie d’une personne.
Pour moi c’est important de naître, vivre et mourir avec dignité.
Être francophone ou francophile, est-ce un atout ? Ça veut dire quoi ?
Oui c’est un atout. C’est faire partie de la communauté et de la culture francophone : c’est un privilège de pouvoir partager autour d’événements comme la cabane à sucre de Nanaimo.
Sachant que l’accès aux services de santé en français est difficile en C.-B., comment te sens-tu quand on te dit que tu fais partie de la solution ?
Ça me rend très heureuse ! Avant de venir m’installer ici, je vivais à Cold Lake et j’ai vu des familles qui ont dû quitter un endroit où elles aimaient vivre pour retourner au Québec et ainsi avoir accès à plus de services en français.
Faire partie de cette solution, faire agrandir et épanouir la communauté francophone dans l’accès à la santé est un très enrichissant.
Propos recueillis par Vanessa Groult
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