La plupart des gens éprouvent une certaine forme de dépression à un moment donné de leur vie. De nombreux troubles mentaux apparaissent lorsqu’un stress physique (notamment une maladie ou une blessure) ou un stress émotionnel (comme la perte d’un être cher) déclenchent des transformations chimiques dans le cerveau. Le traitement des troubles mentaux, qu‘il s’agisse d’une auto-prise en charge, des soins ou d’un traitement délivré par un professionnel, vise à réduire ce stress et à rétablir des processus chimiques normaux dans le cerveau. Lorsqu’on est vulnérable, il est parfois plus facile d’exprimer son mal-être et de tisser une relation de confiance avec un professionnel de la santé qui parle notre langue maternelle.
Linda Bizier est une conseillère spécialisée en toxicomanie depuis 15 ans. En plus de sa spécialité, elle anime des sessions sur l’équilibre des relations et de la guérison (Balanced Relationship and Recovery Education), gratuites et ouvertes au public à la clinique Mental Health and Substance Use de Courtenay. J’ai eu l’occasion d’assister à plusieurs de ces sessions, organisées par series de 6 thèmes différents et je suis repartie avec une panoplie de bons conseils/outils pour gérer plus sereinement les situations stressantes de la vie courante.
Mise à jour en lien avec COVID-19: Nos services continuent avec des protocoles pour protéger nos client pendant cette pandémie. On a réduit le nombre de groupes à 3 groupes par semaine dont les mercredi, jeudi, et vendredi. Pour les sessions de thérapies on offre le choix de venir en personne ou par téléphone.
Quelles raisons t’ont poussées à te diriger vers cette profession ?
J’ai gradué de l’institut Maritime du Québec et j’ai effectuée une première carrière en navigation. Je travaillais au centre des Services de communication et de trafic maritimes de la Garde côtière canadienne à Halifax puis à Vancouver. À mon arrivée en Colombie-Britannique, j’ai décidé de retourner aux études pour améliorer mon anglais et aider les gens. Je suis retournée aux études à UBC où j’ai complété un baccalauréat en sciences humaines avec une majeure en psychologie. Puis j’ai trouvé un emploi en santé mentale à Campbell River et j’étais très confortable à aider les personnes puisque mon frère souffre de schizophrénie.
En quoi consiste ton travail à la clinique et auprès des patients?
Le psychologue est un expert du comportement, des émotions et de la santé mentale. Il intervient auprès des personnes qui éprouvent de la détresse ou des difficultés psychologiques.
Je suis conseillère en toxicomanie et dépendance et sers deux types de population :
– les patients qui ont des problèmes de toxicomanie et/ou de dépendance et leur famille/entourage qui sont affectés par ces derniers;
– j’anime plusieurs groupes d’éducation comme la toxicomanie et le rétablissement, les sessions sur l’équilibre des relations et de la guérison ouvertes au public le mardi matin et programme de rétablissement rapide pour les personnes qui ont arrêtes d’utiliser des substances.
À ma clinique nous ne prenons en charge que les personnes de plus de 19 ans. Pour les mineurs et leurs parents, je les réfère au Ministry of Children & Family Development et à la John Howard Society.
Quel a été ton cheminement professionnel ?
Après l’obtention de mon diplôme à UBC, je voulais travailler en psychologie car mon frère souffrait de schizophrénie. J’ai alors commencé à travailler auprès de patients qui souffraient de troubles mentaux sérieux et persistants à Campbell-River.
C’est très intéressant de travailler dans le milieu de la santé mentale, surtout qu’il y a eu une évolution de la pratique. Auparavant, les problèmes liés à la dépression et à la toxicomanie n’étaient pas traités conjointement. Aujourd’hui c’est le contraire, souvent les personnes souffrant de toxicomanie, ont également des problèmes de dépression sévère. En traitant les deux problèmes en même temps on est capable de fournir de meilleurs soins aux patients. Une sévère dépression ou des problèmes de santé mentale comme l’angoisse peut conduire à devenir dépendant à une substance. En traitant les symptômes de dépression, nous pouvons prévenir les rechutes et aider les patients à se sentir mieux.
Qu’aimes-tu le plus dans ton travail ?
J’aime m’impliquer dans des projets spéciaux qui sortent de l’ordinaire. Présentement, je participe à la formation du personnel pour un programme d’éducation sur la prévention de la violence (toute forme de violence verbale ou physique) au travail.
Quel est ton plus grand défi ?
Au travail mon plus grand défi est de rédiger toutes mes notes et mes évaluations en anglais le mieux possible car ce n’est pas ma langue maternelle.
As-tu une anecdote ou une blague à partager avec nous ?
Je m’appelle Linda et lorsque je travaillais à Campbell River, les patients appelaient la réception pour prendre rendez-vous avec Linda.
Mes collègues leurs demandaient alors à quelle Linda faisaient-ils référence, bien souvent les patients répondaient : « celle avec un accent ».
Ce à quoi mes collègues répondaient : « on a deux Linda et toutes les deux ont un accent, laquelle veux-tu? Celle avec un accent écossais ou celle avec un accent français? »
On riait beaucoup à chaque fois.
Quelle est la réaction des gens quand vous tu leur dis que tu peux les servir en français?
Je n’ai pas l’occasion de leur dire directement car ils doivent d’abord prendre un rendez-vous avec la réception. Mais s’ils sont francophones, dès qu’ils entendent mon accent, ils sont contents et ça permet d’établir une relation d’alliance assez rapidement puisqu’il n’y a pas de barrière culturelle. Construire une bonne relation d’alliance entre avec les patients est primordial pour moi.
Si tu étais un mot français, lequel serais-tu et pourquoi?
Libellule, c’est un beau mot et il y en a toujours auprès de moi quand je fais de la pêche à la mouche. J’en fais beaucoup et ça m’évoque de bons moments car pour moi la pêche c’est relaxant.
Être francophone ou francophile, est ce un atout? ça veut dire quoi?
Je suis une perfectionniste, alors quand j’enseigne à des groupes mon accent francophone me donne l’opportunité de faire des blagues et de rire quand je fais des erreurs. L’humour est une bonne façon de briser la glace.
Sachant que l’accès aux services de santé en français est difficile en C.-B., comment vous sentez-vous quand on vous dit que vous faites partie de la solution?
Même si je suis inscrite au répertoire de RésoSanté, je ne reçois pas beaucoup de personnes en français. J’aimerais pourtant offrir davantage de services en français, d’autant plus que la santé mentale est un état difficile à décrire. La barrière de la langue peut parfois freiner certains patients à accepter ou à se décider à faire appel à un conseiller. Je fais peut-être partie de la solution mais, les patients francophones que je traite sont aussi capables de s’exprimer en anglais.
À date, je suis la seule conseillère qui parle français dans ma clinique et il arrive que je m’occupe de personnes souffrant de dépression qui ne parle que le français. Mais ce n’est pas à moi que revient la décision finale. S’il y a trop de besoins en toxicomanie, je ne pourrais pas aider les personnes souffrant de dépression même s’ils ne parlent pas anglais. Dans ces cas là le clinicien ou la clinicienne peuvent faire appel au service d’interprète gratuit par téléphone. J’encourage vivement cette option puisqu’elle permet aux personnes de s’exprimer librement. Bien que la dépression et la toxicomanie soient des problèmes de santé mentale, ces pathologies sont couramment jugées sur le plan moral. Quand une personne est en dépression, on la juge comme étant faible alors qu’il s’agit d’une maladie mentale. En faisant appel à un interprète, notre interlocuteur nous est étranger et il est plus facile de lui confier des choses plutôt qu’a son conjoint. La première cliente francophone que j’ai servie à Campbell River ne parlait que le français et son mari faisait l’interprète mais ca ne fonctionnait pas puisque c’était aussi lui le problème de ma patiente.
Propos recueillis par Vanessa Groult